"The Fabelmans": ce que nous avons pensé du dernier film de Steven Spielberg (2024)

En 1952, un couple, Burt et Mitzi Fabelman (Paul Dano et Michel Williams) emmènent leur fils Sam pour la première fois au cinéma. Les salles sont encore combles à l'époque (le plan qui le montre est-il innocent ?). Le gamin, d'abord apeuré, est fasciné par une scène d'accident ferroviaire. Il en fait des cauchemars. Après avoir reçu un train pour la Hanoukka – les Fabelman sont juifs –, Sam va reproduire la scène devant la petite caméra de son père.

Aucun mystère : ce gamin puis adolescent (excellent Gabriel LaBelle) obsédé par la caméra, qui apprend le métier sur le tas en tournant des westerns ou des films de guerre avec sa troupe de scouts, c'est Steven Spielberg. Un père ingénieur, pionnier de l'informatique, une mère pianiste, trois sœurs et, même, l'authentique prénom hébraïque du réalisateur, Shmuel (Samuel ou Sammy) : tout est conforme à la biographie de Steven Spielberg. Après un demi-siècle de carrière, trente-cinq films, trois oscars et dix milliards de dollars de recettes, il n'a plus peur d'ouvrir la boîte de Pandore de son cœur à l'écran.

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Relecture du cinéma de Spielberg

The Fabelmans tout entier est une relecture du cinéma de Spielberg ou un catalogue de ses fondements. La banlieue scintillante des éclairages de Noël (sauf la maison des Fabelman) a été le décor de nombreux films qu'il a produit dans les années 1980. On voit Sam à vélo avec sa bande de copains – motif reproduit par ses héritiers jusqu'à Stranger Things).

Nombre d'épisodes et anecdotes sont connus des exégètes et cinéphiles. Le cœur du film n'est toutefois pas la cinéphilie (ou téléphagie réputée du réalisateur). Seuls deux films sont directement cités : Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. DeMille et L'homme qui tua Liberty Valence de John Ford.

Hors la scène inaugurale de la vocation de Sam/Steven, le titre original du premier (The Greatest Show on Earth) à valeur programmatique pour le futur cinéaste qui livrera son lot de "grands spectacles" au monde. Liberty Valence, outre son réalisateur qui dispensera la fameuse leçon à l'impétrant, doit sans doute sa présence à sa fameuse réflexion sur la prééminence de la légende (ou la fiction) sur la réalité.

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La vérité au cœur des images

Il y a aussi, dans cette ode et méditation sur l'art (cinématographique) et la vie, une allusion oblique à Blow-Up : c'est sur des images de vacances qu'il a filmées que Sam découvre la vérité qui s'étalait au vu de tous. Il s'attache aussitôt à l'occulter par l'art du montage. La falsification qui en résulte arrache rires et larmes à sa famille. Un succès teinté d'amertume pour le réalisateur en herbe. Et une séquence qui, en soi, est un magnifique commentaire sur le cinéma et son pouvoir d'illusion.

Sous ses dehors de récit du fabuleux destin de Sam Fabelman (fabelman, c'est "l'homme qui racontait des fables"), Steven Spielberg confesse que son art du grand spectacle est le fruit d'un échec familial et sa résolution imparfaite du dilemme prédit par l'oncle Boris, lui-même ancien saltimbanque reconverti dans le cinéma : la famille ou l'art ? Conflit œdipien. Conflit œdipien. Burt incarne la famille. Mitzie représente la seconde voie.

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Le choix du spectacle

Les tensions entre les parents qui se cristallisent autour de la figure de "l'oncle" Benny (Seth Rotgen) ont infusé la majorité des couples des films de Spielberg. Paul Dano, en père aimant mais incapable de dérider une femme fantasque, est un frère jumeau du Christopher Walken de Attrape-moi si tu peux. Sa dimension obsessionnelle animait Richard Dreyfuss dans Rencontre du troisième type.

Tout comme Sam a voulu contrôler ses peurs en recréant ses cauchemars devant la caméra, Spielberg a longtemps tenu à distance sa blessure en restant à l'écran un éternel entertainer, réfugié dans le spectacle. Quand, au seuil de son entrée à Hollywood, "le plus grand réalisateur du monde" (incarné par un truculent David Lynch) lui prodigue sa première vraie leçon de cinéma : il n'est pas intéressant de filmer ce que l'œil voit (l'horizon au milieu de l'image) mais de sublimer la réalité (décaler le regard). Le dernier plan du film applique brutalement la leçon par une correction d'axe. Ce geste souligne que Sam cesse alors d'être un amateur et prend le chemin d'un fabelman fabuleux nommé Steven Spielberg.

The Fabelmans Autobiopic De Steven Spielberg. Scénario : Tony Kushner et Steven Spielberg. Avec : Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen,… 2 h 31

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